Surélévations, les enseignements d’un séisme
Dans le but de favoriser l’accession à la propriété et d’augmenter le nombre de logements sociaux, la Métropole Nice Côte d’Azur avance de plus en plus la solution de surélever certains bâtiments. Celle-ci a identifié sur son territoire, 5 000 bâtiments qui pourraient être surélevés à Nice, 960 à Cagnes-sur-Mer, 600 à Saint-Laurent-du-Var et 200 à Vence. Ces surélévations se limiteraient à deux étages.
Si les surélévations d’immeubles ont de l’avenir, les porteurs de projets devront se heurter à
d’importantes contraintes structurelles et à des études techniques à réaliser en amont surtout en zone sismique 4 comme c’est le cas pour toutes les communes de la Métropole Nice Côte d’Azur.
En effet, les surélévations ne doivent pas aggraver la vulnérabilité de l’immeuble, les surélévations pourraient nécessiter une structure de reprise sur toute la hauteur du bâtiment existant. Ces travaux devront donc être conforment aux règles parasismiques en vigueur.
Que nous apprend le séisme Ligure de 1887
Dans les deux villes de la Riviera française Menton et Nice, les secousses endommagèrent principalement les niveaux supérieurs des bâtiments. À Nice, plusieurs murs pignon jouxtant des bâtiments moins élevés s’ effondrèrent endommageant les immeubles mitoyens plus bas.

(The Illustrated London News du 6 mars 1887)
En Ligurie, le géologue Arturo Issel et le duo Toquato Traramalli et Giuseppe Mercalli furent chargés par le gouvernement italien, de préparer une étude sur ce qui s’était passé, de souligner les problèmes structurels et de proposer des suggestions afin d’identifier les meilleurs moyens de construire des bâtiments résistants, en fonction de la nature des sols.
Dans la monographie, Giuseppe Mercalli nota parmi les principales causes de ruines la hauteur exagérée des maisons et aussi à l’adjonction de nouveaux étages à des constructions déjà anciennes et vulnérables.
Le trio de savants fit de nombreuses propositions dont l’une limitait en hauteur les bâtiments.
C’est ce qui fut réalisé à Diano Marina, la ville la plus dévastée par le tremblement de terre, les bâtiments d’origine étaient élevés de R+4 à R+5.
La reconstruction post-sismique se fit en limitant les immeubles à trois niveaux (R+2). Les étages des rares bâtiments restés encore debout, furent abaissés à 3 niveaux comme le montrent les deux photos.

(A gauche collection Didier Moullin, à droite photo A. Laurenti)
Principauté de Monaco
Sur le Rocher au XVIIème siècle, la ville ancienne s’étendait de l’actuelle limite Est de la place du Palais jusqu’au niveau de l’actuelle place de la mairie. Les maisons comportaient au maximum un étage. Mais jusqu’au XVIIIème siècle, on décida de surélever les bâtiments plutôt que d’étendre la cité, l’extension se fit donc en hauteur.
À partir de 1850, on construisit progressivement de nouveaux bâtiments sur le prolongement de la partie Est du Rocher. C’étaient de vastes bâtisses qui avaient, en 1887, moins de 30 ans âge.
Lors du tremblement de terre les maisons les plus touchées furent celles du centre ancien qui avaient connu des surélévations. En revanche, le quartier plus récent dont les bâtisses furent construites en une seule fois, n’avaient rien eu : ces maisons possédaient le même nombre d’étages et avaient été édifiées avec des matériaux plus récents.

(Réalisé par Philippe Mondielli)
Les Alpes-Maritimes
En France, après le tremblement de terre, il n’y a pas eu de mesures particulières pour la reconstruction des bâtiments. Au contraire, à Menton, on n’hésita pas à surélever l’édifice qui réunissait la poste et le télégraphe et qui avait pourtant beaucoup souffert. Plus grave, on fit de même pour cet immeuble ancien du bourg médiéval et combien d’autres encore ?

(Carte postale début du XXe siècle - à droite photo : André Laurenti)

(Photos : gauche collection Didier Moullin, droite André Laurenti)
La Bollène Vésubie
Dans la vallée de la Vésubie, la commune de la Bollène à risque sismique très élevé, fut la plus affecté par le séisme de 1887. Édifié sur un sol instable (présence de gypse), il est primordial que les constructions nouvelles, les transformations de bâtiments soient réalisées dans les règles de l’art sous les conseils de professionnels compétents.
On constate pourtant des aberrations telle que cette surélévation réalisée en structure rigide dont une poutrelle est en partie dans le vide, l’ensemble posée sur des matériaux souples d’origine.
On peut se demander le devenir de ce bâtiment lors d’un prochain séisme de type Ligure ?

(Photos : André Laurenti)
Surélévations avant 1960
La surélévation de constructions a été facilitée en France jusque dans les années 1960. Voici comme exemple l’école Jules Ferry à Cagnes-sur-Mer. Cet édifice fut construit en 1932. Plus tard, les demandes de scolarisation se faisant de plus en plus nombreuses, une surélévation d’un niveau fut alors réalisée en 1956. Bien entendu cette école ne répond pas aux règles parasismiques. Aujourd’hui, des techniques existent, seulement les politiques hésitent à dépenser de l’argent pour un péril qui leur semble un peu trop lointain. Il est vrai qu’en France on est assez mauvais en anticipation.

(Photo extraite de l’ouvrage de Paule Monaceli - photo : archives municipales de Cagnes-sur-Mer)
Les mesures imaginées par le trio de savant italiens avaient pour but de rendre les tremblements de terre moins meurtriers et moins ruineux à l’avenir. Certaines de ces mesures furent suivies en Ligurie lors des travaux de reconstructions.
À Menton et à Nice, on a sans doute précipité les réparations pour préparer le retour rapide des hivernants.
Les derniers gros séismes survenus depuis 2023 nous renvoient à la réalité de notre zone à risque sismique. Nos constructions résisteront-elles à un séisme de type ligure ? Si la prise de conscience est bien réelle, il y a encore beaucoup à faire.
Toutes les brèves du site