Effets sur Diano Marina
par
LE TREMBLEMENT DE TERRE DU 23 FÉVRIER 1887
Situation de la ville
La petite ville de Diano Marina est construite au bord de mer, le long d’un golfe d’environ trois kilomètres qui s’étend du Capo Berta à l’Ouest, au Capo Cervo à l’Est.
L’agglomération est bâti sur un plan constitué par des terrains alluviaux récents, formés par le torrent San Pietro qui la traverse.
La ville de Diano Marina s’est développée sur le littoral à partir du XIIe siècle, grâce au commerce maritime de l’huile d’olive. C’était en quelque sorte la banlieue maritime de Diano Castello, une position plus en retrait et plus élevée, où vivaient les propriétaires de palais et de châteaux. Les habitants avec ceux des localités environnantes s’y barricadaient pour se défendre des attaques.
DIANO MARINA (province d’Imperia) :
Superficie : 657 ha - Alt. : 4 m
Latitude : 43° 55’ 00" Nord - Longitude : 08° 05’ 00" Est
Population : 2 246 habitants - 5 799 habitants au 30 juin 2019
Le jour du séisme
Les jeunes de Diano avaient fait la fête une bonne partie de la nuit et dormaient paisiblement, tandis que les anciens, eux, étaient déjà levés et certains se trouvaient à l’église pour ne pas manquer ce premier jour de carême.
Soudain, un grondement terrible surprend toute la population dianaise, suivi rapidement par une forte secousse, puis un déluge de gravats, les murs se lézardent, s’effondrent entraînant dans leur chute les planchers. Diano Marina disparaît sous un épais nuage de poussière.
Un tremblement de terre d’une rare violence, venait en quelques secondes, d’anéantir plus d’un tiers de la ville.

(A gauche collection Didier Moullin, à droite photo A. Laurenti)
Selon les divers témoignages des habitants recueillis par G. Mercalli, tout a commencé par quelques violents mais brefs soubresauts, suivis par de très fortes ondulations mélangées à de nouveaux mouvements saccadés. Les premières ondulations avaient une direction prédominante et vers la fin, les vibrations ne présentaient plus aucune direction, elles donnaient plutôt l’impression d’un mouvement tourbillonnant du sol. La plus grande intensité n’était pas au début, mais vers la fin des secousses, précisa-t-il.
Toutes les cloches ont sonné avec force et de nombreuses personnes qui ne pouvaient tenir debout sont tombées ou bien ont dû se tenir pour éviter de chuter. La durée de la secousse a été estimée à environ 30 secondes. [1]

Première réplique
Malheureusement, tout n’était pas terminé, les répliques sévères et presque immédiates, aggravent les dégâts et font de nouvelles victimes.
Juste après le choc principal, quelques habitants imprudents prirent le risque de retourner dans les maisons pour endosser des vêtements chauds et récupérer quelques objets précieux, lorsque soudain, huit minutes après un bruit souterrain précéda une seconde secousse. Elle dura environ cinq secondes et fut moins forte que la première, mais suffisamment pour occasionner de nouveaux dégâts. Des personnes qui se trouvaient encore dans les maisons, furent atteints par l’écroulement de murs, d’escaliers et de greniers [1].

(Photos : collectiion Didier Moullin)
Seconde réplique
Peu après, les plus valides et les plus courageux tentèrent de tirer hors des décombres les malheureux enterrés vivants qui imploraient de l’aide, lorsque à nouveau 2 h 28 après le première, une troisième secousse survient précédée d’un grondement. Elle dura 4 à 5 secondes elle semblait d’abord produire des soubresauts, puis devint ondulatoire et rotatoire. Selon certains, elle fut un peu plus forte que la seconde. Elle provoqua de nouvelles ruines sous lesquelles quarante autres personnes furent ensevelies dont plusieurs sauveteurs. [1]
Face à une telle situation, la crainte de nouvelles répliques attisa la terreur chez les survivants, paralysant pour quelques temps, toute tentative de sauvetage. Une quatrième secousse se fit sentir, moins forte, elle dura 1 à 2 secondes. Puis, toute la journée du 23 février, le sol semblait vibrer presque continuellement. Plusieurs secousses sensibles ont été ressenties dans la nuit du 23 au 24 février. [1]
Ainsi, par mesure de précaution, l’évacuation des décombres et la recherche d’éventuels survivants ne fut entrepris que le lendemain, lorsque les militaires et les ouvriers vinrent au secours de la malheureuse ville [2].
Dans une lettre adressée à la rédaction de la revue Nature, l’ingénieur des mines A. Charlon compta quatorze secousses de faible intensité, toutes étaient dit-il, précédées de bruits souterrains. Il termina sa correspondance en écrivant "je porte le courrier au chemin de fer ; car la poste de Diano est détruite et les employés sont sous les décombres [3].

Le quartier le plus touché
Giuseppe Mercalli fournit de nombreux détails sur l’état de la ville. La partie centrale de l’agglomération et tout particulièrement le quartier sud-oriental entre l’église paroissiale et le torrent San Pietro, furent les plus endommagés. Les quatre cinquièmes des maisons se sont effondrées en grande partie ou totalement.
Dans certaines bâtiments, les murs maîtres se sont écroulés, mais en général, ils restèrent sur pied et fissurés. A l’intérieur, les voûtes de deux, trois ou quatre étages se sont effondrées, entraînées par l’écroulement des greniers et des lourds toits d’ardoise sur les niveaux inférieurs. L’intérieur des maisons se transforma en un tas de gravats.
Dans plusieurs cas, on pouvait voir un bâtiment presque totalement effondré alors que celui le jouxtant était moins endommagé et toujours debout. [1]

(Photos : Collection Didier Moullin)
Sur certaines maisons du bord de mer, c’est leur angle S-O ou S 30° O, qui a été le plus endommagé. Proche de la station ferroviaire, une maison présentait l’angle S-O carrément détaché de haut en bas, mais toujours debout. Dans le même secteur, deux autres maisons eurent leurs angles N-O particulièrement endommagé. Sur d’autres maisons du même lieu, les murs maîtres sont les plus endommagés et les linteaux des fenêtres du dernier étage sont désolidarisés par de fortes fissures.
La gare elle même était inhabitable, de nombreuses fissures se sont ouvertes sur la façade NNE, la plus endommagée.
A peine sorti de la ville, en allant en direction de Dano Castello, un bâtiment nouvellement achevé était fissuré à l’angle N-E et N-O et fut rendu inhabitable.
Au collège des oblats, la façade comportant de nombreuse ouvertures, est toute fissurée. Mercalli met en cause le trop grand nombre de fenêtres. Au troisième étage poursuit-il, les fissures partent des angles des ouvertures détachant presque complètement les linteaux.
Il conclut en écrivant que les maisons de Diano étaient en général très hautes et que les toitures couvertes d’ardoise étaient trop lourdes [1].

Le constat d’Arturo Issel se rapproche de celui de Mercalli, il écrit, sur toutes les maisons de Diano, sauf deux ou trois exceptions, les murs principaux sont restés debout, mais les planchers des étages supérieurs ont été précipités sur ceux d’en dessous, transformant l’intérieur des bâtiments en un tas de ruine. Souvent les escaliers ont été ruinés et presque toujours les toits d’ardoise ont été démolis...
Les maisons restées sur pied présentent presque toutes des lézardes sur et sous les lignes délimitant les ouvertures des portes et des fenêtres. Là où il y a deux ou plusieurs fenêtres superposées, les fissures passent de l’une à l’autre...
Les vieilles bâtisses subirent de gros dégâts mais aussi les maisons nouvelles de villégiature et les palais construits dans les règles de l’art [2].


L’église de Diano Marina épargnée
L’église paroissiale de Diano Marina reconstruite en 1862 sur l’aire de la précédente, est située au bord de la plage. Elle a échappé miraculeusement à la violence du séisme. Le phénomène a d’ailleurs surpris Mercalli, il s’étonna de la résistance de l’édifice, de son clocher et d’une maisons située au centre ville, Les trois furent pratiquement intacts au milieu d’une centaine de constructions endommagées.
De forme rectangulaire, elle est divisée en trois travées. La nef centrale comprend vingt colonnes. Parmi elles, huit situées à l’avant de l’église ont été fissurées presque horizontalement à quelques centimètres au-dessus de la base. Les deux dernières près de la façade, d’une forme quadrangulaire, ont été fissurées à environ la moitié de la hauteur, l’une avec une fente presque horizontale, l’autre incliné à 45° SE.
Malgré sa hauteur, le clocher n’a eu que quelques fissures dans l’escalier et dans les murs secondaires.
Le prêtre de la paroisse déclara avoir vu tomber à l’intérieur, les consoles en pierre de certaines portes [1].
De nombreux paroissiens se trouvaient réunis dans l’église quand la secousse rompit une des clefs [4].
Le constat de Mercalli sur le bon comportement de l’édifice se vérifie aussi sur la photo qui ne montre pas de dommages apparents. Cela permet de discréditer totalement les propos d’un journaliste niçois en visite sur les lieux. Il n’hésita pas à écrire dans son reportage "l’antique église dont la ville était fière, n’existe plus aujourd’hui" [5].
Dans la sacristie, les voûtes et le linteau d’une fenêtre ont été fissurés. Le mur maître du Nord-Est, a souffert un peu plus que celui opposé [1].
Les lieux de rassemblement
En dehors de l’église, il y avait un autre endroit où se trouvait un groupement de personnes.
Au moment du séisme, beaucoup de personnes se trouvait dans un café voisin de l’église. On dansait encore le Mardi Gras, en effet, le bal s’était prolongé jusqu’au lever du jour, lorsque les premières secousses ensevelirent danseurs et orchestre [6].

(Photo : Archives Départementales des Alpes-Maritimes)

(Photo : Archives Départementales des Alpes-Maritimes)
Les secours
Vu l’ampleur du désastre, les secours immédiats furent insuffisants et le matériel pour débuter le déblaiement et secourir les survivants, faisait défaut. En l’absence d’aides médicales, seul le médecin de Diano était présent.
Les secours et le matériel furent acheminés par le train, car le réseau n’avait pas été endommagé.
L’autorité militaire envoya trois compagnies du 13e et 14e régiments, deux cents hommes du génie venus de Piacenza. Des tentes, des baraquements furent rapidement dressés. Six cents ouvriers provenant de la "Galleria dei Giovi", un tunnel en construction pour la ligne Genova à Bussala, entreprirent le déblaiement. Des petits rails furent apportés et installés à travers les rues pour évacuer dans de petits wagonnets, les gravats vers la mer. [7].

(Source : Buffetti E. année 1891)
Un bilan très lourd
Dans cette ville le bilan fut très lourd en perte humaine et en dégâts. Cette bourgade composée à l’époque de 2 246 habitants, perdit plus de 8% de sa population avec 190 morts et 102 blessés [1].
Les victimes sont pour la plupart de jeunes personnes de 18 à 30 ans rapportera la presse ; les seuls qui étaient restés couchés au lieu d’aller à la messe [6].
Les blessés sont installés dans une baraque construite dans le jardin du collège des Oblats, d’autres ont été amenés dans des wagons stationnés en gare. Certains ont été évacués à Gênes, mais le long trajet en train fut trop éprouvant. Face à cela, les autres blessés furent évacués sur Albenga où les médicaments manquant totalement à Diano, étaient concentrés [8].

(A gauche collection Didier Moullin, à droite photo A. Laurenti)
Des sauvetages heureux
Vendredi, deux jours après la catastrophe, les sauveteurs délivrent d’une sorte de niche formée par un morceau de plancher et deux poutres, un vieillard qui se trouvait depuis trois jours, dans ce tombeau exigu, accroupi les mains sous ses genoux. Samedi, lors d’une excavation, on retira vivants et bien portants, deux femmes dont une âgée de 70 ans et un petit enfant. A quelques mètres d’une équipe d’ouvriers, un bras apparaît, puis une petite tête et enfin surgit des décombres, un petit enfant de huit ans. Il s’est creusé un chemin à travers les ruines [9].
Quinze jours après le séisme les travaux de démolition commencèrent. On procéda à la destruction des bâtiments avec des cartouches de dynamite [2].
Les raisons des dégâts
Des observateurs ont souligné la mauvaise qualité des matériaux de construction et aussi la lourdeur excessive des toitures en ardoise et leurs liaisons avec les murs maîtres. Les escaliers intérieurs étaient également mal reliés aux appuis. Beaucoup de bâtiment endommagés étaient excessivement élevés, l’habitat était composé de maisons d’une hauteur de 12 à 15 mètres.
Les bâtiments étaient principalement faits de murs en maçonnerie porteuse élevée de type R+3 à R+4. Ils étaient regroupés en îlots resserrés. A partir des photos les murs étaient en moellons bruts de type tout venant, avec de rares tirants. Ces constructions élevées étaient couverts par des toitures lourdes faites d’ardoises.
On peut ajouter également que les murs dépourvu de tirants, en s’écartant ont entraîner l’effondrement des voûtes et planchers.
Mais, les destructions sévères de ces bâtiments de qualité médiocre ont été accentuées par l’instabilité des sols. En effet, comme le confirme les photos qui ont toutes été prises dans la même zone, les dégâts les plus importants se sont produits dans le quartier situé tout proche du torrent San Pietro. On peut penser que cette partie de la ville ait subi un effet de site lithologique avec une accentuation des conditions hydriques des sols liées aux graves intempéries d’automne et d’hivers 1886 - 1887.
Diano aujourd’hui
Diano Marina, la ville la plus dévastée a été reconstruite défiant la fatalité des colères de la nature. La reconstruction de la cité a été confié à l’architecte Giacomo Pisani originaire de Valloria (vallée de Prino). Celui-ci a profité de l’occasion pour élargir les rues du cœur historique tout en conservant quelques rares édifices d’époque. La hauteur des nouveaux bâtiments n’est pas très élevée, certaines constructions existantes ont d’ailleurs été abaissées d’un niveau.

(Photo : André Laurenti)
Après la catastrophe, le travail de reconstruction fut réclamé. Quelques mois après, l’architecte Pisani formé à Turin, fut désigné pour établir un plan de la cité. Il exerçait son activité dans la ville proche de San Remo. En rédigeant son projet il teint compte de la présence de l’hôtel de ville, de l’église paroissiale et de la station ferroviaire, parce qu’il traçait les nouvelles voies de liaisons enquête d’un monde meilleur.
Ce fut un vaste programme de reconstruction, ainsi la ville surmonta les dégâts et parvient à en effacer les traces.

Comme on a pu le voir, le Corso Garibaldi est directement liée au tremblement de terre du 23 février 1887
A cet endroit, il n’y avait qu’une large plage, parcourue par une voie carrossable aménagée plus tard dans la première moitié du XIXe siècle. Le nouveau parcours, légèrement rehaussé par rapport à la voie Aurelia, fut réalisé avec des matériaux résultant du déblaiement des décombres de la ville détruite [10].
[1] TARAMELLI T. et MERCALLI G. "Il terremoto Ligure del 23 febbraio 1887" - Parte IV - Volume VIII - Roma 1888 - Biblioteca Istituto Geologia Universita di Genova
[2] ISSEL Arturo : Il terremoto del 1887 in Liguria » - Roma 1888 - Société Géologique de France
[3] La Nature extrait de la Revue des Sciences - quinzième année 1887 - p. 210
[4] La Nature extrait de la revue des Sciences - Quinzième année - 1887 - pages 209 à 415
[5] Le Petit Niçois du 27 février 1887 - Archives Départementales des Alpes-Maritimes
[6] La Nature : extrait de la revue des Sciences – quinzième année – année 1887 page 209 à 415
[7] Le Petit Niçois : Extrait du journal du 1er mars 1887 (Arch. Départ. Des Alpes-Maritimes)
[8] La Dépeche de Toulouse du mardi 1er mars 1887 - Gallica Bibliothèque Nationale de France
[9] Le Petit Niçois : Extrait du journal du 1er mars 1887 (Arch. Départ. Des Alpes-Maritimes)
[10] AA.VV., Il terremoto del 23 febbraio 1887 nel Dianese, Diano Marina, 1987.