Séisme de 1818
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Le séisme du 23 février 1818 :
Ce tremblement de terre marque le début d’une série d’évènements destructeurs qui ont affecté la Ligurie occidentale durant le XIXe siècle et dont le plus puissant fut le séisme du 23 février 1887. Ce séisme de 1818 effraya de nombreuses personnes et suscita diverses discussions sur sa cause et son origine.
Les institutions italiennes ont traité l’évènement en proposant les caractéristiques suivantes obtenues à partir des données historiques :
Le 23 février 1818, vers 19 h 10, soit 18 h10 UTC, l’ouest de la Ligurie a été touchée par un tremblement de terre d’une magnitude 5.5 Mw, valeur estimée à partir des données macrosismiques définies par l’INGV. L’épicentre a été localisé à terre au nord ouest d’Imperia et la plus forte intensité de VIII (MCS) a été attribuée à Vence (Alpes-Maritimes) et VII pour Oneglia (Imperia) et Sanremo.

(Source INGV DBMI11)
Des caractéristiques surprenantes
Parmi ces caractéristiques, au moins deux peuvent surprendre notamment une intensité de VIII à Vence justifiant des destructions, un lieu bien à l’écart de la zone épicentrale et pour laquelle les intensités n’ont pas dépassé VII.
L’épicentre à terre dans une zone où sont implantés de nombreux villages n’est pas crédible, aucune information ne fait état de dommages dans les villages situés à l’intérieur des terres.
Les recherches personnelles sur ce tremblement de terre du 23 février 1818, tentent une révision critique sur cet événement quelque peu faussé par de mauvaises interprétations et des confusions de dates.
Sur le tremblement de terre de 1818, le professeur Antonio Vassalli-Eandi (1761 - 1825), publia un bref rapport dans le Mémoire de l’Académie Royale des Sciences de Turin, lu lors des séances des 5 et 26 mars 1818. Plus tard, dans son ouvrage "Terremoti della Liguria e del Piemonte", Giuseppe Mercalli (1850 - 1914), qui avait plus de recul, reprit les principaux faits de Vassalli-Eandi, et apporta son expertise en remettant en cause l’épicentre de cet évènement en faisant l’analogie avec les séismes de 1854 et 1887. Il compléta avec des informations recueillies à partir de notes et des articles de presse contemporains à l’évènement qui se reprennent les uns les autres.
Quels sont les effets du séisme ?
La première secousse, qui fut la plus forte, se produisit vers 19 h 10 le 23 février 1818. Elle fut très violente et causa des dégâts dans la Ligurie occidentale. Parmi les localités affectées figurent : Diano Castello, Alassio, Sanremo, Taggia, Oneglia (Imperia).
Alassio
Selon Vassalli-Eandi quelques toits s’effondrèrent, sans blesser personne, l’auteur ajoute que les effets furent "probablement à cause des circonstances particulières du sol sur lequel ces maisons ont été construites, ou de l’état des maisons elles-mêmes". En effet Alassio connut de sévères dommages lors du séisme du 23 février 1887.
La presse piemontaise et genoise fit état de "deux portions d’une maison tombées" [1].
Diano Castello
Le témoignage d’un habitant décrivit le ressenti dans sa maison et ses observations dans le village qui furent publié dans la Gazzetta di Genova (Num. 4 mars 1818) " il vit les murs vaciller au point de tomber à terre. Les maisons ne subirent pas de dommages sérieux, le bâtiment municipal et celui des seigneurs Rondini souffrirent davantage, malgré qu’ils étaient plus solides".
La presse piemontaise ajouta que les gens étaient rassemblés dans l’église, lorsqu’un violent tremblement de terre rompit une des clés de la voûte : en même temps toutes les maisons tremblèrent. Heureusement, aucun dégât majeur ne s’ensuit [2].
Dans les annales de l’Institut de Physique du Globe de Strasbourg (IPGS), Rothe J.P. exagéra les effets en écrivant que "cette violente secousse détruisit en partie Diano Castello" [3]. L’auteur fit sans doute une confusion avec les effets du séisme du 23 février 1887, survenu un même jour et un même mois, mais 69 ans plus tard.
Les effets matériels pour cette commune conduisent à admettre une intensité de l’ordre de VI (EMS98).

(Photo : André Laurenti)
Sanremo
Quelques bâtiments et principalement l’église de l’hôpital souffrirent particulièrement et les gens effrayés abandonnèrent leurs maisons et dormirent pendant quelques jours dehors dans les campagnes [4].
Le quartier le plus endommagé a sans doute été celui de la « Pigna » : le centre historique situé à la plus haute altitude de la ville qui fut également très affecté par les séismes du 28 mai 1831 et du 23 février 1887.
Phénomène observé avant séisme
Dans un puits, à l’ouest de Sanremo, peu avant et coïncidant avec le grand tremblement de terre du 23, un fort bruit avec écoulement d’eau fut entendu, comme cela a été également rapporté plus tard lors du tremblement de terre ligure de 1831 [5].
Pompeiana
On retient pour ce village que les meubles et vases de l’église furent renversés [6].
Porto Maurizio
La secousse fut très forte, une correspondance de cette ville, datée du 23 février 1818, rapporte ceci : « il est environ 19 heures et demie du soir et j’écris cette lettre en tremblant de peur. Un très fort tremblement de terre a été ressenti pendant quelques temps et dura environ 10 secondes. Rien de pareil ne fut ressenti de mémoire d’hommes. Toute la population sortit des maisons et se rassembla sur la place de l’église par crainte de répliques ».

(Photo : André Laurenti)
Sur le littoral la secousse fut aussi très forte à Coldirodi sur les hauteurs de Sanremo, à Badalucco en amont de Taggia, à Albenga, Finalborgo, Celle-Ligure et Rialto, Cosio d’Arroscia, tout deux situés à l’intérieur des terres et à Gênes où le choc fut sensible mais pas fort [7]. Dans cette ville, selon la Gazzetta di Genova (25 février 1818), il fut à peine sensible dans les appartements les plus élevés.
Ressenti dans le Piemont
La secousse fut également très forte dans le Piemont à Frabosa (circonscription de Cuneo), Bastia (Mondovi), Villanovasolaro, Dronero, Cardè (Saluzzo), Carentino (circonscription d’Acqui, où le séisme produisit quelques légères fissures), Ricaldone, Alice del Colle, Acqui, Nizza-Monferrato.
Il fut fort à Alba, Villastellone et Peccetto (circonscription de Turin). À Turin, Pinerolo, Saluzzo, Savigliano, Cuneo et Asti, le choc fut sensible mais pas fort.
En revanche, le tremblement de terre fut faiblement ressenti au Grand Saint-Bernard, à Alexandrie et dans sa province, comme par exemple à Castello d’Annone à l’est d’Asti. Il fut également remarqué dans quelques localités de la circonscription d’Ivrea (nouvelles reçues des maires).
Selon Perrey, le séisme fut légèrement ressenti jusqu’à Milan. À Turin le choc comporta deux phases, la première fut ondulatoire de direction N-S, et d’une durée de 4 secondes, suivie de la deuxième d’une durée de trois secondes, similaire à la 1ère mais plus sensible [8].
Ressenti au grand Saint-Bernard
Mercalli retint qu’un tremblement de terre fut faiblement ressenti au Grand Saint-Bernard ; en effet, en citant Volger, Ebel et Reisenotizien, ils dirent que "le 24 février 1818 un tremblement de terre fut ressenti au Grand Saint-Bernard et en même temps en Provence sur les côtes méditerranéennes et en Sicile". Mercalli rectifia que le tremblement de terre de Provence eut lieu le 23 février et celui de Sicile le 20 février 1818 ; donc selon toute vraisemblance l’évènement ressenti au Grand Saint-Bernard est à relier au premier [9].
Ressenti en Principauté de Monaco
Dans la "Gazzette Piemontese" la principauté apparait sous la dénomination "Monaco en Bavière" suite aux conséquences malheureuses d’une mauvaise traduction en italiens.
On écrivit donc de Monaco que "des bruits forts et des explosions souterraines y ont été entendus, semblables à ceux qui ont précédé le tremblement de terre au Mexique. On a observé que pendant ce grondement sourd, les chevaux tremblaient et transpiraient de peur" [10].

Le ressenti dans la France actuelle
À Nice le choc principal se fit également sentir le 23 février, suivi de plusieurs autres les 24 et 26 du même mois et le 2 mars. La ville ne subit aucun dégât notable [11].
À Antibes on entendit un grondement sourd avant la secousse [12].
Maisons effondrées à Vence ?
Cette information a probablement été mal interprétée. La Gazzetta Piemontese publia 23 jours plus tard, une correspondance provenant de Vence (département du Var en Provence), rapportant que le 24 février à 7 heures du matin, un fort tremblement de terre avait été ressenti. De nombreuses maisons ont été endommagées et une a été démolie. Le 25 février, à 2 h 10 minutes du matin, un autre se fit entendre, mais moins fort. À 11 h 25 minutes, il y eut un troisième tremblement de terre, plus fort que les deux précédents mais sans conséquences graves pour les habitants de Vence [13].
C’est ainsi que les Annales de Chimie et de Physique, rapportèrent que le 24 février 1818, vers 19 heures, un tremblement de terre à Antibes et à Vence (Var), fit s’effondrer des maisons à Vence [14].
Mais la coïncidence de l’heure avec le choc principal fit douter Giuseppe Mercalli, pour lui, les deux publications font plutôt référence au tremblement de terre du 23 février et non le 24 [15]. Il n’y a donc pas eu de séisme en Provence le 24 février.
Remarques personnelles
A propos des maisons endommagées, l’auteur de la lettre semble plutôt évoquer les dégâts annoncés en Ligurie et non à Vence. En tenant compte de l’erreur de date, on comprend que la secousse du 25 février à 11h fut plus forte que les deux précédentes sans conséquences graves pour Vence. On peut donc en conclure que le choc principal a été également sans conséquences graves pour cette ville. Le phénomène n’a été que ressenti à Monaco et à Nice, il est donc peu crédible que des effondrements se soient produits à Vence situé plus à l’ouest.
Le ressenti pour cette commune conduit à admettre une intensité de l’ordre de IV (EMS98) plutôt que VIII.

Ressenti divers
La secousse fut forte à Draguignan et légère à Marseille où les ondes semblèrent se diriger vers le NW-SE et accompagnées d’un bruit sourd. Dans cette dernière ville secousse principale et répliques furent ressenties le 23 février à 19 h, et le 24 février à 11 heures du matin [16].
Le 24 février, à 11h 10 minutes du matin, on ressentit à Aix en Provence cette légère secousse de tremblement de terre. Il parait même qu’elle y fut plus généralement remarquée. Plusieurs personnes attribuèrent à l’agitation momentané qu’elles éprouvèrent, à un étourdissement subit [17].
Selon la Gazette nationale, ces tremblements de terre ressentis dans toute la Provence, mais principalement, à ce qu’il parait dans la partie montagneuse de ce département, et dans l’arrondissement de Grasse. C’est là du moins qu’ils ont inspiré le plus de frayeur et qu’un grand nombre d’habitants sont sortis subitement de leurs maisons. Ils n’ont heureusement causé aucun mal [18].
Tsunami
Ce séisme a pu générer un tsunami de faible amplitude. L’évènement s’étant produit de nuit, ce phénomène n’a pas été observé sur le littoral de la Ligurie. Seuls à Antibes, des marins ont assuré que la mer qui ne produisait pas de houle sur le rivage, vint dans ce moment se briser avec force contre les rochers [19].
L’heure du séisme
Vassalli-Eandi indiqua que le tremblement de terre s’est produit à 19 h 15. ; mais le "Effemeri di Torino" et celui de Gênes (Multedo) s’accordèrent à dire que le phénomène eut lieu à 19 h 10 [20].
L’épicentre du séisme
Le professeur Vassalli-Eandi qui était de Turin, crut que le centre de ce tremblement de terre n’était pas loin de celui des tremblements de terre d’Alba de 1771 et 1786 : mais l’expertise de Mercalli, proposa une localisation plus évidente. Il écrivit que les faits rapportés ci-dessus ne correspondent pas à cette hypothèse ; car la zone endommagée se situe plutôt sur la Riviera occidentale, entre Alassio et Nice ; c’est donc un tremblement de terre ligure qui s’est propagé vers le Piémont et non l’inverse, et son centre diffère peu de celui du 23 février 1887 et de sa réplique du 11 mars 1887. Ce dernier ainsi que celui de 1818 s’étendirent beaucoup plus facilement à l’ouest vers les Alpes Maritimes plutôt qu’à l’est, le long des Apennins génois [21]. Selon les annales de l’office centrale météorologique, il sembla que le séisme se trouva dans la mer d’Oneglia.

Répliques
La première secousse du 23 février fut suivie par plusieurs répliques de moindre intensité ; une première se produisit vers 23 heures le même jour et fut signalé à Sanremo, Cuneo, Frabosa soprana (où elle fut d’ouest-est), Saluzzo et Turin.
Une autre plus faibles fut ressenti par quelques-uns à Turin à 2 heures du matin le 24 février, et une troisième plus sensible fut ressentie à Sanremo, Nice et Marseille vers 11 heures le 24.
Les répliques bien que légères continuèrent en Ligurie pendant quelques semaines. La Gazzetta di Genova, publia une lettre écrite de Sanremo en date du 21 mars 1818, dans laquelle il était dit : « de légers tremblements continuent de temps en temps de se faire sentir sur la Riviera di Ponente. La ville de Sanremo en est souvent incommodée. Les jours 1, 9 et 15, plusieurs secousses furent encore ressenties ». Cela fut confirmé par le chroniqueur V. Lotti pour Taggia, il écrivit « que diverses secousses de tremblements de terre furent ressentis pendant plusieurs semaines et que les gens apeurés se réfugièrent dans les campagnes [22].

(Photo : André Laurenti)
La réplique en mars à Nice, une erreur de mois
La réplique du 24 février provoqua la peur des habitants de Nice. A ce sujet, le baron Prost écrivit qu’à Nice il y eut « en mars 1818 deux secousses, l’une à 19 h 30, l’autre le lendemain pendant le sermon qui resta inachevé, tant l’église de Sainte-Réparate (cathédrale), fut agitée par une forte secousse qui fit sortir en courant les fidèles et le prêtre ». Giuseppe Mercalli revint sur cette note avec un détail troublant sur la date, la coïncidence des heures, soit 19h30 et l’heure du sermon (11 heures ?), ne laissa aucun doute sur le fait que Prost se trompa de mois et que ces faits se réfèrent plutôt aux deux secousses de 19 h 10. le 23 et de 11 heures le 24 février 1818 [23].
Conclusion
Il est suggéré une nouvelle orientation pour ce séisme ressenti sur une assez vaste étendue. Son extension similaire aux séismes de 1854 et 1887, laisse supposer comme les Annales Météorologiques l’indiquent, que l’épicentre se trouvait en mer tout comme ceux du 29 décembre 1854 et du 23 février 1887. Les communes affectées se situent principalement sur le littoral d’Alassio à Sanremo et non à l’intérieur des terres.
Les effets dramatiques évoqués par Rothe J.P sur la commune de Diano Castello semble être une confusion avec le séisme du 23 février 1887, même date, même mois.
Pourtant l’I.N.G.V. propose un épicentre à terre, près de Vallecrosia Alta au nord-ouest d’Oneglia (Imperia), l’endroit comprend de nombreuses localités et si c’était le cas, celles-ci auraient été endommagées par le séisme, or ce n’est pas le cas.
L’effondrement de maisons à Vence rapporté dans les annales de chimie, ne semble pas crédible. Le tremblement de terre de 1887 beaucoup plus puissant que celui de 1818 et ayant approximativement la même origine, ne fit que des dégâts légers à Vence, il est donc peu probable que des maisons se soit effondrées en 1818.
[1] Gazzetta Piemontese martedi, 3 marzo 1818 n°27 - catalogo del Servizio Bibliotecario Nazionale OPAC SBN
[2] Gazzetta Piemontese sabbato, 7 marzo 1818 n°29 - catalogo del Servizio Bibliotecario Nazionale OPAC SBN
[3] Rothe J.P. : les annales 1938 de l’Institut de Physique du Globe de Strasbourg - série : T 3, Géophysique
[4] Gazzetta Piemontese sabbato, 7 marzo 1818 n°29 - catalogo del Servizio Bibliotecario Nazionale OPAC SBN
[5] MERCALLI Giuseppe - mémoire "Terremoti della Liguria e del Piemonte" - pages 103 et 104 - Naples 1897
[6] Le Journal des Débats politiques et littéraire du 19 mars 1818 - Gallica BNF
[7] MERCALLI Giuseppe - mémoire "Terremoti della Liguria e del Piemonte" - pages 103 et 104 - Naples 1897
[8] MERCALLI Giuseppe - mémoire "Terremoti della Liguria e del Piemonte" - pages 103 et 104 - Naples 1897
[9] MERCALLI Giuseppe - mémoire "Terremoti della Liguria e del Piemonte" - pages 103 et 104 - Naples 1897
[10] Gazzetta Piemontese mercoledi, 18 marzo 1818 n°34 - catalogo del Servizio Bibliotecario Nazionale OPAC SBN
[11] Vassalli-Eandi Memorie della Reale Accademia delle scienze di Torino - T23 - 1818
[12] Le Moniteur Universel ou Gazette nationale du 12 mars 1818 - Gallica BNF
[13] Gazzetta Piemontese mercoledi, 18 marzo 1818 n°34 - catalogo del Servizio Bibliotecario Nazionale OPAC SBN
[14] GAY LUSSAC et ARAGO : Annales de Chimie et de Physique, 1818 Tome 9, page 433 - Gallica BNF
[15] MERCALLI Giuseppe - mémoire "Terremoti della Liguria e del Piemonte" - pages 103 et 104 - Naples 1897
[16] Journal général de France du 05 mars 1818 – Gallica BNF
[17] Journal général de France du 08 mars 1818 – Gallica BNF
[18] Le Moniteur Universel ou Gazette nationale du 12 mars 1818 - Gallica BNF
[19] Le Moniteur Universel ou Gazette nationale du 12 mars 1818 - Gallica BNF
[20] MERCALLI Giuseppe - mémoire "Terremoti della Liguria e del Piemonte" - pages 103 et 104 - Naples 1897
[21] MERCALLI Giuseppe - mémoire "Terremoti della Liguria e del Piemonte" - pages 103 et 104 - Naples 1897
[22] MERCALLI Giuseppe - mémoire "Terremoti della Liguria e del Piemonte" - pages 103 et 104 - Naples 1897
[23] MERCALLI Giuseppe - mémoire "Terremoti della Liguria e del Piemonte" - pages 103 et 104 - Naples 1897
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