Taggia : séisme du 26 mai 1831
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Le séisme du 26 mai 1831
« Le 26 mai 1831, vers 10 h 30 UTC, la Ligurie occidentale est touchée par un tremblement de terre d’une magnitude d’environ 5,5 Mw, valeur estimée à partir de données macrosismiques par l’INGV.
Giuseppe Mercalli étudia ce tremblement de terre en 1887 à partir du rapport d’Alberto Nota surintendant de la province de Sanremo, il croisa les informations avec de nombreux articles de journaux de l’époque et avec des notes reçues des maires de nombreuses communes de Ligurie où la mémoire du phénomène était encore conservée.
Les effets dans la zone épicentrale
La première secousse et aussi la plus forte se produisit le 26 mai 1831 vers 11 h 30’. Mercalli écrivit dans son mémoire que le tremblement de terre fut presque désastreux ou carrément désastreux dans les environs de Taggia. À l’est, il fut désastreux jusqu’à Santo Stefano a mare, très fort jusqu’à Diano Marina, fort jusqu’à Savona et faible jusqu’à Gênes ; vers l’ouest il fut désastreux jusqu’au delà de Sanremo, très fort jusqu’à Vintimille et faible de Nice à Marseille. Vers le nord, les dommages graves atteignirent à peine Badalucco et des effets légers ne dépassèrent pas la crête des Apennins ligures, au delà le phénomène se fit légèrement sentir dans le Piémont jusqu’à Alexandrie et Turin. Selon l’enquête de Mercalli, de nombreuses communes du Piémont conservèrent le souvenir du tremblement de terre du 23 février 1818, mais pas celui de 1831 [1].
Cette description de la zone impactée avec une rapide diminution des intensités aussi bien vers Nice que vers l’est et vers le Piemont permit à Mercalli de proposer un épicentre à terre contrairement aux évènements de 1818, 1854 et 1887 dont le foyer était en mer. La profondeur du foyer sembla superficielle car les effets furent très vite atténués autour de Castellaro.

Les effets du tremblement de terre
Castellaro (848 habitants)
Situé à 275 m d’altitude en rive gauche du fleuve côtier l’Argentina, Castellaro fut le village qui souffrit le plus par le choc principal, 52 maisons s’écroulèrent et plusieurs autres devenues trop dangereuses durent être démolies. Ce séisme fit 5 morts, 17 blessés graves et d’autres plus légèrement, quasiment dans toute la partie basse du village près de l’église. La façade de l’église paroissiale fut fendue de haut en bas et les murs latéraux furent fissurés. Une partie de la voute fut défoncée par un gros morceau de corniche qui se détacha du sommet du clocher. Quatre tirants métalliques furent brisés dont un fut poussée par la force du séisme, hors du mur [2].

Bussana (820 habitants)
Ce village, qui fut abandonné après le tremblement de terre de 1887 et dénommé aujourd’hui Bussana Vecchia, souffrit un peu moins que Castellaro : 24 maisons s’ effondrèrent et 49 restèrent inhabitables et durent être démolies ; deux personnes furent blessées à la tête. Le Dr. Martini précisa que ce fut le quartier ancien de la Rocche situé autour du château qui fut détruit en 1831.
L’église paroissiale sépare à peu près ce quartier ancien de Bussana de la partie moderne qui se développa après le séisme de 1831.
Taggia (4 494 habitants)
Toutes les maisons furent plus ou moins endommagées par le choc principal, environ 13 en ruine et 70 rendues inhabitables déclarées non habitables. Une seule femme périt dans les ruines d’une maison et deux de ses enfants furent retrouvés indemnes. Mercalli ajouta que si le nombre de victimes ne fut pas élevé, c’est qu’à cette heure-là de la journée tous les gens étaient hors de chez eux. L’église des SS. Trinita située dans le centre historique, subit des dégâts considérables et principalement le monastère de S. Catarina jouxtant l’église le long de l’actuelle Piazza Santissima Trinità [3].
Cependant les dégâts furent plus importants. On écrivit de Taggia que outre les dommages causés par le tremblement de terre du 26 mai et les secousses postérieures, deux autres violentes secousses, qui ont eu lieu le 16 juin, l’une le matin et l’autre le soir, ont produit de nouveaux et grands désastres. Vingt maisons, la caserne des carabiniers et une haute tour du château se sont entièrement écroulés. Plus de quatre vingts maisons restent inhabitables, et deux cent ont besoin de grandes réparations [4].
Les secousses continuèrent en juillet et à effrayer les habitants, dont une grande partie passent les nuits dans la campagne, sous des tentes ou en plein air [5].

(Photo : André Laurenti)
Archives constructives
Sur le cours d’eau Argentina, deux arches du pont romain de Taggia s’effondrèrent et deux enfants tombèrent avec les gravats dans la rivière, ils furent retrouvés indemnes.

(Photos : André Laurenti)
Ce pont existe toujours, en le traversant on y découvre un petit oratoire qui fut édifié en mémoire des deux enfants précipités dans le torrent lors du tremblement de terre. Sur une plaque commémorative on peut lire ceci : Les deux arches du pont s’étant écroulées lors du tremblement de terre du 26 mai 1831, le garçonnet Joseph et la jeune fille Thérèse tombèrent en même temps que les gravats dans le lit à sec, et furent retrouvés sains et saufs. Raymond Anfosso leur père pour remercier les dieux fit poser cette plaque pour la postérité.

(Photo : André Laurenti)

(Photo : André Laurenti)
Pompeiana
Dans ce village situé sur la même colline que Castellaro mais au sud-est, deux tirants furent brisés dans l’église paroissiale et un dans l’oratoire. Les voutes et les murs de nombreuses maisons s’effondrèrent, notamment dans la partie basse de la ville située sur un conglomérat du pliocène. Dans une maison en ruine, une petite fille fut trouvée indemne tombée de son berceau.


(Carte : OpenStreetMap)
Terzorio (280 habitants)
Ce village proche de Pompeiana et à l’est de ce dernier souffrit également beaucoup ; deux maisons s’effondrèrent et huit autres furent gravement endommagées ; deux personnes furent blessées à la tête.
Sanremo
Le séisme commença ici par un tremblement souterrain qui fut suivi d’un choc vertical et enfin d’une succession d’ondulation, de direction NNW-SSE ; d’une durée de 14 secondes. Il fut précédé d’un grand bruit comme celui de plusieurs charrettes trainées et chargées de plaques de fer.
Dans la ville peu de bâtiments restèrent indemnes, des cheminées, des voutes, etc. furent détruites. Certaines maisons durent être démolies. Le sanctuaire de la Madonna della Costa, dans la partie haute de la ville, présenta de nombreuses fissures et la coupole fut complètement brisée. Il y eut également des dégâts considérables dans l’église de San Stefano, à l’hôpital et au couvent des Capucins.
Santo Stefano al Mare
Les secousses durent être également énergiques, car deux lampes de l’église furent projetées au sol depuis leurs supports [6]. Le tremblement de terre causa des dégâts très graves dans cette municipalité. Une grande partie des habitants campe dans les campagnes. [7].
Castelvittorio
Dans ce village situé dans la vallée de la Nervia, un ouvrier qui travaillait dans l’église paroissiale, vit au moment du tremblement de terre, les clés en fer se tordre et se tortiller comme s’il s’agissait de petites tiges et le sommet du maître-autel remuer fortement.
À Badalucco, Rivaligure, Cipressa et à Ceriana les dégâts furent moins importants que dans le secteur de Castellaro, mais néanmoins considérables, d’une manière générale les maisons furent endommagées et certaines rendues inhabitables.
En remontant les Apennins au nord, les dégâts diminuèrent rapidement et furent déjà très faibles à Montalto, Triora et Baiardo.
En revanche à Vintimille, Perinaldo et Castelvittorio (vallée de la Nervia), de nombreuses maisons et églises subirent des dégâts importants.
Dans toute la circonscription de Porto Maurizio (Imperia), la secousse fut violente mais elle ne provoqua que de légères lésions, seul le village de Villatalla situé à 550 m d’altitude, souffrit le plus.
La secousse fut à Gênes peu remarquable, à Turin une légère vibration mais distincte fut ressentie, de direction nord sud, elle dura près de trois secondes. Le même jour à 11 h 15, deux faibles secousses furent ressenties à Nice [8].
À Marseille, diverses personnes de la ville ressentirent la secousse du 26 mai [9].
Le bilan humain
Il y eut au total 7 victimes et de nombreux blessés : 5 morts et 17 blessés à Castellaro, 1 mort et plusieurs blessés à Taggia, 1 mort et 1 blessé à Bussana et 2 blessés à Terzorio. Selon les journaux de l’époque, le nombre de victimes fut limité car le tremblement de terre s’est produit alors qu’une grande partie de la population travaillait dans les champs [10].
Mouvement de sol
Mercalli écrivit que près de Roccacorvare entre Taggia et Castellaro, le col Grancie se fissura sur le côté sud et s’effondra sur un petit tronçon. [11].
Phénomènes précurseurs observés
Avant le tremblement de terre, vers 9 heures du matin le 26 mai, une personne entendit, près de Ceriana, des grondements souterrains si violents et répétés qu’elle s’enfuit de chez elle terrorisée ; et, vers 7h du matin le même jour, une femme qui coupait l’herbe à l’est de Sanremo ressentit une frémissement souterrain, comme un fort bouillonnement d’eau ; ce qui l’effraya tellement qu’elle ne voulut plus continuer le travail, malgré les demandes de sa patronne. Enfin, dans le puits d’un terrain situé à l’ouest de Sanremo, la veille du tremblement de terre et tout au long du 26 mai, une forte rumeur se fit entendre avec un abondant écoulement d’eau.
Peu avant le tremblement de terre, il fut remarqué l’agitation générale des oiseaux, des chats, des mulets, etc. [12].
Perturbations hydrologiques
Après le tremblement de terre, les eaux de certaines fontaines de Sanremo et du secteur d’Ubaga, au nord de Ceriana, devinrent troubles ou rougeâtres.
À Cipressa, on trouva de l’eau en abondance dans des puits asséchés depuis de nombreuses années et, près de Castellaro, deux sources asséchées donnèrent de l’eau après le tremblement de terre. À Bussana, certaines eaux de source augmentèrent en température et dans certains puits, l’eau baissa.
Un phénomène curieux se produisit au lac San Benedetto, qui était un petit étang boueux de 300 mètres de long par 45 mètres de large, le long de la rivière Taggia (Argentina), à environ 500 mètres en amont de la ville. Le 26 mai vers 15 h 30, soit 4 heures après le tremblement de terre, des personnes qui étaient près de l’étang
virent sur une étendue d’environ 2 mètres carrés l’eau jaillir à hauteur d’homme. Elle commença à jaillir
presque à l’extrémité sud du bassin se déplaçant progressivement vers le nord en conservant toujours l’extension de 2 m2, et, en arrivant au bord nord du lac, l’eau se transforma en vapeurs comme un brouillard. Le reste de l’étang resta tranquille [13].
Les répliques
Dans la zone la plus endommagée, les répliques furent assez nombreuses et certaines fortes. À Taggia, dans les premières 24 heures, il y eut environ 10 répliques, 14 à Castellaro dans les 58 heures, mais certains affirmèrent qu’elles étaient beaucoup plus nombreuses ; mais très légères et donc généralement passés inaperçus : elles furent assez fréquentes tout au long du mois de juin, puis moins fréquentes en juillet et août [14]. Le 28 mai à 12 h 45 une nouvelle secousse fut ressentie moins forte. Toute la population était sur le qui-vive et coucha en plein air craignant de nouveaux désastres [15]. Deux autres secousses se produisirent le 16 juin, l’une le matin et l’autre le soir [16]. Les secousses continuèrent en juillet à effrayer les habitants.
Tsunami
La mer, peu avant le choc, s’est retirée du littoral dans la zone proche de Sanremo et les marins naviguant le long de la côte ont déclaré avoir ressenti l’onde de choc [17].
Aide financière
Très rapidement, le 28 juin. S. M. Charles Albert de Savoie, informé par le premier secrétaire des finances, des dommages causés dans la province de Sanremo par les funestes tremblement de terre du 26 et 28 mai dernier, et vivement touchée de la triste situation des victimes de ce fléau, daigna ordonner de répartir entre elles une somme de 28 810 livres tirée du trésor royal, sur les fonds destinés aux désastres imprévus, outre une autre somme de mille livres sur les fonds de réserve. A quoi S.M. par un mouvement de sa bienfaisance paternelle, fit ajouter une somme considérable prise sur sa cassette, pour être distribuée, par son premier Aumonier, à ceux qui souffrirent le plus de cette catastrophe [18].
Remarques
L’étang qui était situé à 500 m en amont de Taggia n’existe plus. Par ailleurs, les deux sites Roccacorvare et le col Grancie n’ont pas pu être localisés sur une carte.
Les dégâts sur la commune de Taggia ne furent pas uniquement les effets produits par la secousse principale, mais aussi par deux répliques fortes.
[1] MERCALLI Giuseppe - mémoire "Terremoti della Liguria e del Piemonte" - pages 111 à 115 - Naples 1897
[2] MERCALLI Giuseppe - mémoire "Terremoti della Liguria e del Piemonte" - pages 111 à 115 - Naples 1897
[3] MERCALLI Giuseppe - mémoire "Terremoti della Liguria e del Piemonte" - pages 111 à 115 - Naples 1897
[4] Journal de Savoie du 02 juillet 1831 – Gallica Bibliothèque Nationale de France
[5] Journal de Savoie du 16 juillet 1831 – Gallica Bibliothèque Nationale de France
[6] MERCALLI Giuseppe - mémoire "Terremoti della Liguria e del Piemonte" - pages 111 à 115 - Naples 1897
[7] Gazzetta Piemontese di 1er giogno 1831 – Hathi Trust
[8] Journal de Savoie du 18 juin 1831 – Gallica Bibliothèque Nationale de France
[9] Le Sémaphore de Marseille du1er juin 1831 - Retronews site de presse de la BNF
[10] E. BOSCHI, G. FERRARI, P. GASPERINI, E. GUIDOBONI, G. SMRIGLIO, G. VALENSISE : Catalogo dei forti terremoti in Italia dal 461 a. C. al 1980 - Istituto Nazionale di Geofisica, Storia Geofisica Ambiente (S.G.A.)
[11] MERCALLI Giuseppe - mémoire "Terremoti della Liguria e del Piemonte" - pages 111 à 115 - Naples 1897
[12] MERCALLI Giuseppe - mémoire "Terremoti della Liguria e del Piemonte" - pages 111 à 115 - Naples 1897
[13] MERCALLI Giuseppe - mémoire "Terremoti della Liguria e del Piemonte" - pages 111 à 115 - Naples 1897
[14] MERCALLI Giuseppe - mémoire "Terremoti della Liguria e del Piemonte" - pages 111 à 115 - Naples 1897
[15] Le Sémaphore de Marseille du1er juin 1831 - Retronews site de presse de la BNF
[16] Journal de Savoie du 02 juillet 1831 – Gallica Bibliothèque Nationale de France
[17] E. BOSCHI, G. FERRARI, P. GASPERINI, E. GUIDOBONI, G. SMRIGLIO, G. VALENSISE : Catalogo dei forti terremoti in Italia dal 461 a. C. al 1980 - Istituto Nazionale di Geofisica, Storia Geofisica Ambiente (S.G.A.)
[18] Journal de Savoie du 02 juillet 1831 – Gallica Bibliothèque Nationale de France
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