Prazzo : séisme de 1947

mercredi 21 mars 2018
par  André Laurenti

Séisme de Prazzo du 17 février 1947

Ce tremblement de terre reste mal connu, il est survenu pourtant dans un passé relativement proche, mais son épicentre demeure une énigme. Aussi, des investigations supplémentaires sont nécessaire pour avoir une meilleure connaissance sur cet évènement et notamment sur les intensités obtenues. Pour l’heure, les avis sont partagés, les français pensent que l’épicentre était en Italie, quant aux italiens, ils le supposent plutôt sur le territoire Français.

Commune de Prazzo
Chapelle San Giacomo
(Photo : André Laurenti)

Si l’on se réfère à la base de données Sisfrance, l’épicentre a été localisé au sud-est de Pinerolo dans le val Ghisone, mais ce choix reste encore discutable, il est d’ailleurs accompagné d’un point d’interrogation, idem pour l’ouvrage Mille ans de séismes en France. [1]. Son intensité maximale a été estimée à VII-VIII (échelle M.S.K.), il serait donc d’une puissance équivalente à celui de 5 avril 1959 à Saint-Paul-sur-Ubaye, si c’est le cas, il aurait causé des dégâts quelque part.
L’I.N.G.V. situe aussi l’épicentre en Italie au nord-ouest de Pinerolo, avec une magnitude estimée à 5 Mw. Sur les cartes interactives de l’INGV et de Sisfrance les points d’intensités sont plus nombreux coté français que italien.

Alors, qu’en est-il exactement ? quels sont les villages affectés par ce séisme ? sont-ils en Italie ou bien en France ? ou alors, était-il suffisamment puissant pour causer des dégâts, telles sont les questions dont il faut apporter des réponses.

Village de Chiappera
C’est le dernier village en remontant la vallée de la Maira
(Photo : André Laurenti)

Que dit la presse française
Selon le quotidien du Dauphiné Libéré en date du 18 février 1947, "Un séisme a ébranlé à 0h12 mn T.U. soit à 1h12 heure locale, toute la région des Alpes comprise entre Grenoble et la Méditerranée.
A peine sensibles à Grenoble, Toulon, Grasse, où seuls quelques privilégiés ont été tirés de leurs sommeils, les vibrations ont causé une certaine émotion dans les départements des Hautes et des Basses Alpes (Alpes de Haute Provence).
A Gap, Embrun, Guillestre, Monetier les Bains, nombre de hauts alpins ont été saisis d’une frayeur légitime car des immeubles entiers se sont mis à vibrer. Dans les appartements les meubles ont été légèrement déplacés, les ustensiles de cuisine ont entamé un chahut de quelques instants et les ampoules électriques se sont transformées en balançoire.
A Digne comme à Barcelonnette l’ébranlement a été sérieux et l’émotion considérable" [2].
Ce journal ne fait état que d’effets largement observé avec aucun dégât signalé.

Le journal le Provençal du 18 février 1947, indique qu’à "Nice la terre a tremblé avec plus de violence. A Grasse de nombreux habitants réveillés en sursaut ont vu des objets placés sur des tables vaciller et se renverser". À Marseille, peu d’habitants se rendirent compte de cet évènement, par ailleurs, il a été ressenti à Brignole dans le Var. Selon la presse aucun dégât ni accident ont été signalés [3].
D’autres lieux figurent dans cet article mais toujours pas de dégâts signalés.

Le journal Rouge Midi écrivit qu’à Grasse et dans les localités environnantes, vers 1h 10 une secousse assez sensible a été ressentie. On ne signala pas de dégâts. À Gap la secousse a durée 30 à 60 secondes et a été pour déplacer légèrement les meubles. À Barcelonnette trois violentes secousses ont été ressenties. Beaucoup d’émotion, mais aucun dégât matériel ne fut signalé. Et dans le Var, une secousse a été ressentie assez fortement à Brignoles et plus légèrement à Toulon [4].
Parmi les villes mentionnées dans cet article, Gap semble être la ville la plus proche de l’épicentre.

Que dit la presse italienne
Côté italien, sous le titre de légère secousse, la presse consacre seulement quelques lignes à cet évènement. Deux secousses ondulatoires se seraient produites dans la nuit de dimanche, l’une à 1h10, l’autre à 1h15 et aurait duré trois secondes. Le mouvement sismique a été plus sensible dans la plaine du Pô, à Asti et à Alba. La presse précise qu’il n’a pas été signalé de victime ni de dégât [5].

Séisme de 1947
Extrait du journal la "Stampa" du 18 février 1947
(Archives du journal)


Ce séisme semble donc anodin sur l’Italie, car la presse du 19 et 20 février 1947 ne revient même pas sur cet évènement les jours suivants.
Par ailleurs, il ne figure pas dans le "catalogo dei forti terremoti" [6].

Séisme de 1959 à Saint-Paul-sur-Ubaye

Lors du séisme du 5 avril 1959 survenu sur la commune de Saint-Paul-sur-Ubaye 2 ans plus tard, les rapports géologiques et la presse font référence à des séismes antérieurs qui ont affecté le secteur. Dans un rapport géologique Il est dit par exemple que la grande faille de la Durance aux abords de la Roche de Rame et du Plan de Phasy a été reconnu comme l’épicentre des tremblements de terre des 19 mars 1935 (Imax VII-VIII), 17 décembre 1937 (Imax VI) et 15 février 1938 (Imax VI) [7]. Il n’est fait aucune référence au séisme de 1947, ce qui semble l’exclure de ce secteur.

Les sismographes de Marseille
Le journal du Dauphiné Libéré du 18 février 1947 écrit que les sismographes de Marseille n’ont signalé qu’un tremblement de terre de modeste amplitude dont ils situaient l’épicentre à moins de 150 - 200 km au nord-est, approximativement dans la région de Digne et Gap [8].

Conclusion
Si ce séisme a été d’une amplitude modeste et l’absence de dégât, l’intensité VII-VIII proposée par la base de données Sisfrance, semble surestimée.
L’état actuel des connaissances sur le ressenti et la propagation des ondes, la magnitude du séisme a été sans doute supérieure à 4.0 et inférieure à 5.0. Il faut sans doute chercher son épicentre dans un massif montagneux suffisamment éloigné des lieux habités pour ne pas produire de dégâts comme par exemple le massif des Monges (130 km au nord-est de Marseille), le massif de la Blanche (150 km au nord-est) ou encore dans le massif montagneux délimitant les Hautes Alpes des Alpes de Haute Provence (160 km au nord-est), trois secteurs sismogènes situés dans le secteur entre Digne et Gap.


[1Lambert Jérôme et Levret Agnès : Mille ans de séismes en France - Ouest éditions - 1996

[2Dauphiné Libéré du 18 février 1947 banque de donnée sisfrance

[3Le Provençal du 18 février 1947 - Archives départementales des Alpes-de-Haute-Provence.

[4Rouge Midi du 18 février 1947 - Gallica Bibliothèque Nationale de France B.N.F.

[5La Nuova Stampa du 18 février 1947 http://www.archiviolastampa.it

[6Catalogo dei forti terremoti in Italia" dal 461 a. C. al 1980 - Istituto Nazionale di Geofisica - SGA storia geofisica ambiente.

[7Gidon Maurice : Rapport géologique sur les causes et les effets de la secousse sismique ressentie le 5 avril 1959 dans la région de Saint-Paul-sur-Ubaye - Grenoble - 13 juin 1959

[8Dauphiné Libéré du 18 février 1947 https://www.sisfrance.net/document/23661


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