Effets sur le village de Bézaudun

dimanche 17 juillet 2011
par  André Laurenti

LE SÉISME LIGURE DU 23 FÉVRIER 1887

Effets sur le village de Bézaudun les Alpes

BÉZAUDUN LES ALPES
Superficie : 2 144 ha - Alt.:880 m.
Latitude : 43° 48’ 29" Nord - Longitude :7° 05’ 48" Est
Population : 131 habitants en 1886 – 256 habitants en 2020 - État des logements en 1999 : 120 dont 61 principaux – 50 secondaires – 9 vacants – avant 1949 nb. 19

Cadastre Napoléonien 1841
Section : C1 Le Village de Bézaudun et Ville-Plaine, Le Village de Bezaudun

Situation géographique

Le territoire de Bézaudun est situé à environ 40 km au nord-ouest de Nice et au nord-est de Grasse à une altitude de 880 m. Le village est bâti sur une croupe dans la partie orientale de la montagne du Cheiron. Ce relief correspond à un front chevauchant constitué de calcaire du jurassique recouvrant des formations plus récentes du crétacé avec ses marnes argileuses qui ont le pouvoir de stocker les eaux infiltrées dans les calcaires. Cette disposition géologique particulière devait être connue des communautés anciennes qui ont fait le choix de venir s’implanter sur ces terrains favorables à la présence de sources comme c’est le cas de nombreux villages des Alpes-Maritimes et dont Bézaudun fait parti.
L’adaptation à ce relief particulier a entraîné une urbanisation continue sous forme de maisons peu élevées. Bézaudun domine en rive droite le cours d’eau du Bouyon, affluent de la rivière Estéron, ce bassin se caractérise principalement par un aspect préalpin très prononcé offrant un paysage sauvage et inhabité.

Commune de Bézaudun-les-Alpes
Le village est bâti sur une croupe dans la partie orientale de la montagne du Cheiron. Il est dominé par son château
(Photo : André Laurenti)

Le climat

Les variations de température sont nettement plus importantes que dans la zone côtière. Le site est soumis au vent d’ouest (Mistral) froid en hiver. L’enneigement est variable selon les années, il se maintient toutefois sur le massif élevé du Cheiron situé au nord et à l’ouest du village.

Urbanisation

Cette commune s’étend sur une superficie de 2 144 hectares et regroupait selon le recensement de 1886 une population de 131 habitants. L’habitat réalisé en pierre locale (calcaire, tuf calcaire, marne), comporte deux secteurs anciens encore bien distincts : "le village" et "les écuries". Au dessus des "écuries" à l’ouest, se trouvaient les "Aires" à battre ; en contrebas à l’est, les "Ferrages" et encore plus bas l’Ort" qui signifie jardin potager en provençal.
Le cadastre de 1841 laisse apparaître un village enfermé dans le tracé d’une enceinte percée de trois portes : l’une à l’ouest, les autres au nord et au sud. La porte ouest correspond à l’ancien accès au château qui domine le village.

Commune de Bézaudun-les-Alpes
Le village offre un ensemble harmonieux et bien conservé de vieilles maisons, bâties avec la pierre locale
(Photo : André Laurenti)

Effets du séisme Ligure

Les secousses n’ont pas épargné le village, les dégâts ont été importants sur cette commune sans toutefois faire de victimes. Les effets ont été tout de même, moins spectaculaires qu’au village voisin de Bouyon distant seulement de 3km.
Quelques jours après le séisme le Conseiller Général M. Cazagnaire s’est rendu dans le village accompagné du Conseiller d’arrondissement et de l’agent voyer du canton. Ils parcoururent toutes les rues pour se rendre compte des dégâts et rassurer les habitants qui, ne pouvant pas regagner leurs domiciles campent encore en plein air dans la neige. Ils ont d’abord visité la maison d’école et le presbytère fortement endommagés. Ils félicitèrent la municipalité d’avoir ordonné la démolition du clocher dont la chute était imminente. Il promit que dès son arrivée à Cannes, d’envoyer un architecte qui de concert avec l’agent voyer devra ordonner la réparation ou la démolition des bâtiments les plus atteints.
Avant le départ, M. Cazagnaire remit la somme de 120 fr (environ 515 euros) pour parer au premier besoin.
 [1].

Commune de Bézaudun-les-Alpes
Jouxtant le chœur de l’église, à droite se trouve le bâtiment de la sacristie et du presbytère
(Photo : André Laurenti)

L’église paroissiale de la Nativité de la Vierge

Selon les études menées par la Mission culturelle du Conseil Général des Alpes-Maritimes, l’église semble avoir été érigée après 1233. Elle est mentionnée en 1312, elle daterait de la seconde moitié du XIIIe siècle. L’adjonction du second vaisseau de l’église est mentionné en 1683.
La présence d’un clocher près de l’autel est attestée en 1715, d’une hauteur de 10 m environ, on en voit encore la base sur le plan ci-dessous. L’église comprend une nef de deux vaisseaux de trois travées et au fond de la grande nef un chœur semi-circulaire. Elle est couverte d’une voûte en berceau plein cintre. L’abside est prolongée derrière d’une sacristie au Sud Est [2].
Le séisme n’épargna pas l’édifice, les murs sud et nord se séparèrent des murs transversaux, ils perdirent leur aplomb et ont eu de nombreuses lézardes. La voûte de la grand nef a été coupée en deux du nord au sud, les voûtes de la petite nef ont été fortement lézardées [3].
Le clocher fut fortement ébranlé, les murs ont besoin d’être consolidés. La municipalité ordonna immédiatement sa démolition car sa chute était imminente.
Le mur circulaire du chœur a été tellement ébranlé que la moitié du mur est à démolir et à refaire [4].
Dans un devis estimatif de réparations, l’entrepreneur préconisa la construction de deux contreforts en maçonnerie dans la partie sud-ouest. Des tirants et clefs furent mis en place sur les murs sud - est - ouest et sur le refend nord. Il est fait état aussi de travaux de consolidation du premier pilier du mur de refend.
Ce devis était accompagné d’un plan que j’ai redessiné et complété pour une meilleure compréhension.
Par rapport au devis, un seul contrefort a été réalisé. Le second, que l’architecte avait prévu, a été remplacé par le prolongement du mur de soutènement surplombant le cimetière. Le passage nord-ouest permettant d’accéder au cimetière et à l’église a été condamné par la construction du nouveau clocher.
Les endommagements étant situés de part et d’autre du clocher, on peut suggérer qu’ils ont été produits par les oscillations de ce dernier qui faisait une dizaine de mètres de hauteur.

Eglise paroissiale
En jaune les parties endommagées par le tremblement de terre et qui seront démolies
(Schéma : André Laurenti)

Histoire de clocher
Les riverains du clocher s’inquiétèrent de sa reconstruction, surtout de sa hauteur que l’on souhaitait augmenter. Il était prévu d’installer une horloge sur le clocher et pour cela il était nécessaire de le surélever pour avoir une hauteur de chute des poids de l’horloge suffisante. Le voisinage immédiat s’opposa à cette réédification et adressa une pétition au Sous-Préfet. A la lecture du contenu, on comprend mieux les motivations dont les arguments sont quelque peu justifiables :
Le 5 mars 1887 MM. Martin Pierre, Isnard François, Focachon Mathurin, Severiny Martin et Mauret Antoine se réunirent pour adresser au sous-Préfet la pétition suivante :
« Nous propriétaires voisins du clocher de l’église de Bézaudun ayant nos maisons fortement endommagées par le tremblement de terre du 23 février 1887 (…). Nous nous permettons de vous faire observer (…), que le clocher se trouvant élevé d’environ 10 m de hauteur, au point qu’il a été démoli par mesure de sécurité publique et que pour reconstruire le clocher sur la même base et l’élever à deux mètres au dessus du toit de l’église, cela ferait une élévation totale d’environ quatorze mètres. Le nouveau clocher offrirait encore plus de danger pour nos maisons et nos familles, comme nous l’avons déjà fait observer. Les dommages que nous avons eu aux maisons s’est au clocher que nous le devons, sans oublier qu’en 1806 la foudre était tombée sur le clocher et l’avait détruit avec nos maisons.
Nous nous opposons donc complètement à ce que le clocher soit reconstruit à la même place pour notre bien à tous et nous demandons qu’il soit reconstruit près de la porte d’entrée de l’église ce qui n’occasionnerait aucun danger puisqu’il n’y a aucun voisin » [5].
Cette pétition a été prise en considération et le clocher fut reconstruit au nord ouest, légèrement à l’écart de l’église. On comprend mieux pourquoi le clocher actuel, n’est pas accolé à l’église.

Eglise paroissiale
Déplacement du clocher, réparation des murs, ajout d’un contrefort et prolongement du mur du cimetière jouant le rôle du contrefort proposé par l’architecte
(Schéma : André Laurenti)
L’église paroissiale de la Nativité de la Vierge
Elévation sud-ouest vue du sud-ouest : après le séisme, un contrefort a bien été réalisé, quant au deuxième prévu dans le devis, il a été remplacé par le prolongement du mur de soutènement du cimetière.
(Photo et croquis André Laurenti)

Le presbytère
Les murs des combles du presbytère ont été lézardés dans tous les sens et ne permettaient plus de supporter la toiture. Ils furent démolis et la toiture a été baissée au niveau du plancher, les cloisons des combles furent supprimés. Des tirants ont été nécessaires à tous les murs au niveau des planchers de l’étages ainsi que sous la toiture. Le mur Est qui a déjà été démoli par mesure de sécurité, est à reconstruire ainsi qu’une partie de la toiture, du plafond et du plancher [6].
Les travaux exécutés ont porté entre autre sur des réparations générales aux crevasses intérieures et extérieures, avec la reconstruction du mur est [7].

Mairie école
Les plafonds de la salle d’école et de la salle du Conseil Municipal, ont été fendillés en divers points et des plâtras menacèrent de tomber. Les trois murs de l’est à l’ouest du logement de l’instituteur ont été lézardés. Les plafonds du couloir et de l’escalier se sont effondrés en partie et des crevasses apparurent à l’intérieur comme à l’extérieur [8].
Les travaux de réparation sur ce bâtiment ont concerné la réparation des plafonds de la salle du conseil, la mise en place de tirants et clefs aux murs de l’est à l’ouest et le colmatage aux crevasses intérieur et extérieur et enfin la réfection en partie du plafond du couloir de l’escalier et du 1er étage [9].

La chapelle Saint-Roch et Saint-Sébastien
Une curiosité de ce village cette double chapelle dont la partie inférieure était dédiée à Saint-Sébastien et la chapelle supérieure à Saint-Roch
(Schéma : André Laurenti)
La chapelle de Notre Dame du Peuple : le contrefort situé à l’angle sud-est a été réalisé après le séisme de 1887
(Photos : André Laurenti)

Fontaine publique
Au sud du village à l’intersection de la route qui descend vers Bouyon et celle qui dessert le village, se trouvait la fontaine basse, légèrement plus haut, il y avait un bassin et plus proche du lieu habité à mis chemin entre l’intersection et le village, la fontaine publique appelé haute fontaine, était implantée alimentée par une conduite que allait en direction du sud, jusqu’à la prise d’eau.
Un document accompagné d’un plan indique les travaux communaux comme par exemple l’enlèvement des décombres dans les rues et places publiques. Le plan sert à localiser la fontaine publique endommagée par le séisme. Celle-ci était établie sur le flanc d’un coteau, elle fut disloquée par les secousses ainsi que son hangar d’abri. La conduite qui l’alimentait en eau publique a été endommagée et devra être réparée jusqu’au lieu de captage. Dans le devis qui s’élève à 1000 fr (environ 4 270 euros), il est fait mention de réparations diverses à la toiture du hangar avec remplacement des tuiles brisées [10].

Commune de Bézaudun-les-Alpes
Extrait de plan montrant l’emplacement des fontaines et la conduite endommagée
(Document complété par André Laurenti)

Attribution de sommes pour réparer les édifices publics
Parmi les 500 000 fr (environ 2 134 475 euros), correspondant au montant de l’emprunt contracté par le département des Alpes-Maritimes auprès du Crédit Foncier de France et destiné à la réparation des édifices publics départementaux et communaux, la commission départementale attribua à la commune de Bézaudun-les-Alpes :
 430 fr (environ 1 835 euros) pour les réparations à la mairie.
 3 600 fr (environ 15 370 euros) pour les réparations à l’église
 2 000 fr (environ 8 540 euros) pour les réparations au presbytères
 1 000 fr (environ 4 270 euros) pour les améliorations communales [11]

Commune de Bézaudun-les-Alpes
Rue Principale : sur la vue de gauche, le bâtiment possède des tirants dans les deux sens, le chaînage d’angle est réalisé avec un mélange de tuf et de pierre calcaire
(Photos : André Laurenti)

Sur ce village qui regroupait 133 habitants (recensement de 1886), le rapport de la Préfecture, dressa le bilan suivant : 66 propriétaires ont subi des pertes, 6 maisons ont été détruites, 10 partiellement détruites et 30 autres subirent des dégâts divers [12].

Classification utilisée dans l’échelle EMS 98
Classe de vulnérabilité A
On peut estimer à 65 le nombre de maisons qui composaient ce village en 1887. En tenant compte du récit 9 % du bâti auraient subi des dégâts structuraux très importants de degré 5, 15% des dégâts très importants de degré 4. En fonction de ces quantités, ils sont suffisant pour justifier une intensité de VIII.


[1L’Éclaireur du Littoral du 2 mars 1887 - Archives Départementales des Alpes-Maritimes

[2Poteur Jean-Claude : Étude de la commune de Bézaudun-les-Alpes - Étude réalisée par la Mission culturelle du Conseil général des Alpes-Maritimes en partenariat avec le Ministère de la Culture - Service régional de l’inventaire PACA

[3Rapport à M. le Préfet en date du 2 avril 1887, sur l’état des bâtiments communaux - Archives Départementales des Alpes-Maritimes

[4Rapport à M. le Préfet en date du 2 avril 1887, sur l’état des bâtiments communaux - Archives Départementales des Alpes-Maritimes

[5Pétition adresser à M. le Sous Préfet en date du 5 mars 1887 – Archives Départementales des Alpes-Maritimes

[6Rapport à M. le Préfet en date du 2 avril 1887, sur l’état des bâtiments communaux - Archives Départementales des Alpes-Maritimes

[7Devis estimatif des travaux dossier 020 0140 – Archives Départementales des Alpes-Maritimes

[8Rapport à M. le Préfet en date du 2 avril 1887, sur l’état des bâtiments communaux - Archives Départementales des Alpes-Maritimes

[9Devis estimatif des travaux dépôt 020 0140 – Archives Départementales des Alpes-Maritimes

[10Tremblement de terre du 23 février 1887 – Travaux communaux – Plan général des lieux – E Dépôt 68 1M1 - Archives Départementales des Alpes-Maritimes

[11Le Petit Niçois : journal du 15 novembre 1887 - Archives Départementales des Alpes-Maritimes

[12État présentant par commune le nombre de maisons détruites, très endommagées et partiellement détruites - Archives Départementales des Alpes-Maritimes


Portfolio

Village de Bézaudun JPEG - 46.5 kio Bézaudun les édifices religieux

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